Méditation chamanique


 Expérience sur la musique the chaman’s journey you tube

J’ai écrit ce texte à la suite d’une consigne donnée par Anaël Verdier en atelier d’écriture en 2015. Je me suis prêtée au jeu et me suis inspirée de cette musique. Ce fut une expérience étonnante, je me suis laissée porter par le rythme et les mots m’ont échappé. Je vous recommande d’essayer, même si le résultat peut s’avérer déroutant. 🙂

Je suis bien dans l’entre soi fragmenté de l’univers et je plonge dans le son empirique d’une goutte de pluie. L’œil végétatif danse dans une rotation imberbe.

Mon corps n’est plus qu’un son, une torsion organique qui s’élance dans la matière invisible du cosmos. Ondulations cérébrales, terreau animal. Je ne fais plus qu’un avec la vie et j’avance, remue l’humus au sol. Enfonce et enfonce mon esprit tellurique dans la fossilisation temporelle de la genèse.

Une note, je chante. Je m’arc boute et j’ondoie ; je fragilise mon espace, je transcende l’un.

Vaste, vaste étendue, arrière, epsilon ! Voile imperceptible, murmure vagal.

Je cours et je saute. Une, deux. Un nuage est tombé à terre et se répand sur les racines de mes regrets.

Le lierre grimpe et envahit mes tympans. Aussi fine que du papier, je suis traversée par la lumière. Elle écrit sa musique sur mon corps. Tatouée, je cours encore, je saute, je danse et m’essouffle. Je me pose, il est là. Il glisse comme une ombre sur mon visage, le caresse, je frissonne. Un, deux, trois, motif géométrique en mouvement, je capitule. Je me laisse prendre.

Battement de cœur, boum, boum, boum, boum, changement de rythme, boumboum, boumboum. Encore une accélération. BoumboumboumboumBOUM ! Majuscule en l’air. Gravitation de l’éternel néant, je fuse. Comète insolente, je laisse une trace sur la voûte stellaire. Quelle impudence ! Fau-il que je rayonne ?

Je préfère me taire, rêver et me taire. Il vient à moi je le sens, je ne m’en effraie pas. Il peut m’habiter, j’ai suffisamment de place. Il peut se raconter, je le chanterai, je l’hymnerai même, jusqu’à l’épuisement. Il appui sur mon torse, appui et appui encore. Respire, respire !

Là, voilà, c’est mieux. Encore un rythme dans ma poitrine. Boum tchak, boumboum tchak.

Boum…Boum… ralentissement, anéantissement, sursaut.

Oui, je sais que ce n’est pas ce que vous attendez. Où est le sens ? Une histoire, une expérience ? Et si c’était ça. Sujet verbe complément, complètement en dehors de moi. Ce n’est pas ça la vie. C’est une fulgurance, une incohérence qui vous habille d’intelligence. Déconstruire, jeter, polir, briller, puis aimer.  Juste un tambour et soi et dans l’entre soi, un monde. Convoquer l’onirisme, l’appel de l’ailleurs, la frontière tranchante, l’ultime appel !  Je l’entends, il parle en moi lorsque je sais me taire. Apprendre à se taire pour mieux s’emplir.

Mes pieds sont des papillons, ils ne touchent plus terre. Ils ont mieux à faire, ils savent qu’elle est en eux. Insinue-toi, envahis-moi. Je suis caisse de résonance. Mon cœur fibrille jusqu’au point de rupture. C’est le vertige absolu. Non sens, verbe. Pulsation, verbe. Allez, ça y est, je sens que je lâche prise. Je suis à chair de peau, je martèle. Martèle et martèle. Ca s’enfonce dans le dedans. Ca me vrille, ça m’instille, ça me meut.

Je suis un être pris dans la tourmente d’un rythme lancinant et j’avance mais je ne sais pas où je vais et je ne trouve même pas ça inconfortable. Je suis bien. Je ne suis plus là en fait, je suis  dans l’entre soi et j’ai la tête qui tourne. Mon rythme cardiaque s’accélère.

Pulsation, pulsation, tambour. Il va vite, il cogne, il m’agrippe, il m’entraîne. Où ça ?

Je cours, je cours, je cours, je cours, je m’essouffle. C’est vert autour et ça bouge. Ca va trop vite et j’ai peur que mon cœur lâche. Ouf, j’entre dans la matière. Je cloche sur des notes de piano. Je m’enfonce et je remonte et c’est magnifique. Le grain de ma peau vibre.

« Cantanatolate ». Je me sens glisser et voler. Je me vois, je rampe, je creuse mon dos et j’avance dans les herbes hautes, félidé royal. Ma chevelure balaie le chemin de l’exil auquel je suis forcée. J’ai le regard brisant. Je cherche quelque chose dans un rituel qui me dépasse. Je suis à la limite du supportable, elle est plus forte que moi. Elle m’angoisse et pourtant, je ne cesse de me la repasser en boucle. C’est la deuxième étape. Cette musique que j’accueille et que j’intériorise depuis deux pages me modélise. Je suis derviche tourneur et ma tête n’est plus dans l’axe.

Des ombres m’observent et m’encerclent. Je vois le ciel tournoyer au-dessus de ma tête.

A moins que ce ne soit moi.Je suffoque, je n’arrive pas à me concentrer. Je ne vois plus rien. La musique est omniprésente. J’ai vraiment le vertige et la tension monte. C’est incroyable. C’est une caisse de résonance. Ca va vite. Encore et encore trop vite. Si ça va plus vite, est-ce que mon cœur explose ?

Un casque vissé sur la tête, je suis au bord de l’épuisement. La musique s’arrête. C’est le grand vide. Je recommence. Je veux aller au bout de l’expérience. Une addiction péremptoire. Boumboumboumouboumboumboumboumboum ! Encore ! Encore ! Plus fort ! J’augmente la densité. La volute est à son maximum et je commence à saisir les nuances de ses battements lancinants. J’en saisis les contours, les décélérations. Je n’ai pas de vision particulière, juste une vive émotion. J’ai envie de me lever. J’ai le sentiment que je ne peux pas accéder à une étape supérieure si je ne danse pas avec ces notes. Elles m’appellent elles me cherchent et je n’en peux plus. Un accent, deux, trois, accent ! Accent ! Frappe !

Mon corps est un silence et demi. Il se résout dans l’absence temporelle. Allez, si je me mettais à vivre maintenant, là, si j’osais. Si je me déployais ?

J’ai mille peaux et je m’appelle Kichté. Je ne suis pas matérialité, j’existe dans les espaces, dans les creux, dans le vide. Je suis pétrie de vide et j’ai traversé des épreuves que seules les âmes mal nées sont capables de supporter. J’ai chevauché le soleil pour m’enfuir de la douleur. Elle m’a traquée et j’ai résisté. J’ai sauté de nuage en nuage et je me suis posée sur la pointe de l’espérance. J’y suis restée en équilibre sur un pied, juste pour défier l’adversité. Elle se dressait devant moi en figure obsolète. Je l’ai chassée de tout mon amour et elle s’est mise à pleurer. Je me suis assise à ses côtés et je lui ai dit que ce n’était pas grave, que j’avais pleuré moi aussi et que les larmes font pousser les arbres. On peut s’y mettre ensuite à l’abri alors ça ne fait rien. A l’ombre de la douleur, on se recompose. Elle m’a tendu la main et je l’ai serrée très fort. On a survolé ensemble plein de territoires inconnus et nous avons fait l’exégèse du monde.

Répétition. Il y a quelque chose d’absolu dans la répétition. Elle réinvente, elle accède au magique, au sacré dans la boucle. Boumboumboumboumboumboumboum !  La transe ! Boum boum boumboum boumboum boum boumboumboumboumboum. Les repos, les absences creusent la différence et singularisent. Univers, sommes nous vraiment vers l’uni. L’universalité un peu pour se reposer et unis vers quoi d’abord ?

Refuser l’uniformité, désincarcération thoracique de l’esprit. Je sursaute, il arrive au galop, là, prend la lumière dans les filets de sa crinière fauve. Je m’accroche à son  insonorité.

Ils refluent vers mon centre. Je les appelle de toute mon âme mais ce sont les images qui  vectorisent l’intensité acqueuse de mes mystères.

Lichen, mandragore, verdoyante allée poudreuse de l’immense voile de soie, puisse tu me couver de ton iris de feu.

Kichté est mon nom et il transcende la descendance de l’infanticide amertume.

Je suis le fruit de la connaissance. J’ai toutes les connaissances et le grain de ma peau est une connaissance acquise à la cause de l’humanité.

Suis-je à l’état d’incohérence ? Supporterez vous cet alanguissement né de la variation vibratoire de la note affûtée de mes désirs ?

Je suis une page que l’on tourne, qui jaunit, que l’on froisse. Je m’écris entre les lignes. Je marche entre les marges et j’ai le vertige. Ca tourne, ça suinte, ça déborde d’emphase.

Steppe contaminée par les lueurs de l’aube chétive. Ligne cadencée de l’aile brisée de l’aigle dévolu à l’élévation.

Soi, soi, soi, soi, soi, soi, péremption. Soi, soi, soi, soi, soi, soi, rédemption.

Je suis un monde dans un monde et rien ni personne ne pourra l’empêcher. Pas même la mort, il est trop tard. T-r-o-p t-a-r-d. Je suis affranchie. Plus rien ne m’atteint, pas même le néant. Je suis l’absurdie crucifiée. Une étoile égarée à la pointe émoussée mais je trace mon sillon à travers la voir lactée pour atteindre cet autre versant de l’envers. Solitudinale est mon âme. Anamorphosée en cet instant, je surgis dans les volutes de tous les possibles. Végétale, minérale, animale, je suis en tout ce qui prend vie.

Là, ça y est, je m’assied en tailleur et je contemple la majesté des atomes fortifiés. Ils conspirent sur la toile de mon esprit et je vois une vallée au milieu de laquelle coulent quelques notes de joie sautillantes. Elle vrille là où la terre l’appelle et jaillit, obscure, plus vive que jamais pour inonder de son aura les alentours. Et je suis cette rivière, je vrille et je danse avec elle. Danse, danse, danse, danse, danse, émerge. Boumboumboumboum.

Boum, boum, boum, boum, une sensualité avérée, hop, hop, hop, hop ! Obstacle.

Incrustation déficiente, pourquoi tu t’accroches, hein ? Tu veux voir l’après, le bout de l’infini. Obstruction, changement d’orientation. Ligne courbe, arabesque.

Respire, respire, respire, court, mais court après ces idées échevelées qui te tiennent tête. Tu t’prends pour un humain ? Ah, ah, alors crie ! Arrache tes poumons et ce qui te sers d’oreille. Ecoute avec les yeux ! Battement, battement, chevauchement. Stop !

Tu les sens les unions sournoises, inattendues ? Ca te dépasse, les mots s’unissent, font leur chemin. Simplifie l’accueil, reçois, le rythme, forge l’artère fémorale.

Tourne, tourne, convoque ! Tu peux le faire, laisse les venir, laisse les entrer, tu as ta place !

Meurs !

© Nadia Bourgeois

 

 

13 commentaires sur “Méditation chamanique

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    1. Merci beaucoup Laurence, j’ai lâché prise et j’ai noté ce qui me venait. Ca fait voyager comme tu dis, même si parfois cela semble confus 🙂 Tu me diras si tu essaies ?

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      1. J’adore les percussions, j’ai écouté 1 minute, mais mon corps actuellement n’est pas en phase avec ce type de « vibrations/énergies » un peu trop puissantes.
        J’essaierais quand cela ne me foutra pas les entrailles en vrac!! Je suis extrêmement sensible aux énergies vibratoires.
        Mais ton voyage ou ce type de voyage je l’ai déjà vécu, sans écriture, sans artifices ni musiques, ni rien et là c’est top et étrange en même temps et surtout c’était un voyage initiatique et informatif suite à une demande précise que j’avais faite … 😉 🙂
        Peut-être un jour je raconterai, mais c’est impossible de faire comprendre et partager ce que j’ai vécu et vu et surtout compris ou cru comprendre 😉

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      2. Je comprends. Moi-même, il m’est arrivé de le faire sans aucun artifice. Celui-ci était à titre expérimental, des sons mis en images en instantané. Merci d’avoir essayé 🙂

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  1. wouah! quelle fluidité dansl’écriture. on sent que tu te laisses aller. j’aimerais réussir à me laisser aller à écrire tout ce qui pourrait me passer à l’esprit mais on n’ose pas toujours. Je vais sûrement tenter prochainement lemêmeexercice que toi. je verrais ce que ça donne . Bonne journée

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour Aurélie,
      Merci pour ton message. Je t’encourage à essayer quel que soit ton choix musical, l’essentiel est de te sentir détendue et que ta plume se laisse guider par les vibrations. Au plaisir ! 🙂

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